Loi et sa famille

Loi, d'abord lei (v. 980 ; v. 1120 : lei divine) puis loi (XIIe s.), est issu du latin legem accusatif de lex, legis (signifiant loi religieuse puis loi en général : la chose édictée).
En latin classique, lex apparaît déjà comme laïcisé.
Formes du radical : leg, loy.
On appelle loi toute prescription émanant de l'autorité souveraine : on donne aussi ce nom, par extension, à toute règle établie sur quelque matière que ce soit.
Le terme loi est employé au sujet de propositions constatant des corrélations entre des phénomènes scientifiques et permettant d’en déduire un principe constant (exemple : loi de la gravitation).
Vers 1858, le mot prend le sens de condition de la perfection esthétique (exemple : c’est la loi du genre).

De loi dérivent les trois adjectifs : légal (1365), loyal (1080 : leial) et légitime (1266).
Tous trois signifient conforme à la loi, mais avec des nuances différentes :
- un acte est loyal, si c'est l'honneur et la générosité qui l'inspirent ;
- il est légal, s'il est permis par la loi ;
- et légitime s'il est approuvé par la conscience.

Le caractère de ce qui est légal est la légalité ; ce qui se produit d'une manière légale est légalement fait.
Rendre un acte public légal en établissant son authenticité, c'est le légaliser ou en faire la légalisation.
Légalisme (av. 1868) et légaliste (1908), insistent sur le respect absolu des termes de la loi.
Légal a pour opposé illégal, qui a pour dérivés illégalité et illégalement.

Le caractère de ce qui est loyal est la loyauté ; d'une manière loyale se dit loyalement.
Ce qui manque de loyauté est déloyal et porte un caractère de déloyauté ; adverbe : déloyalement.
Loyaliste est emprunté (1701) à l'anglais loyalist lui-même issu (XVIe s.) du français loyal : celui qui est loyal, partisan du souverain ou de l'autorité établie (peu après 1650).
Loyalisme (1839), a d'abord été employé exclusivement à propos de l'Angleterre et des Etats-Unis.
Puis, les deux mots ont pris un sens plus général (1869), loyalisme en venant à désigner un dévouement à une cause quelle qu'elle soit (politique ou non).

Légitime a formé directement légitimité (état ou caractère de ce qui est légitime), légitimer, (rendre ou déclarer légitime), et légitimement (d'une manière légitime).
Il a pour contraire illégitime, qui a formé illégitimité et illégitimement.

L'homme versé dans la science des lois est un légiste de legistre, legitre (1210), emprunté au latin médiéval legista (homme de loi) en 1188.
Le mot a désigné les conseillers juridiques des rois de France, plus spécialement sous les Capétiens. Il est employé dans médecin légiste (1833) chargé d'expertises en matière légale.

Une assemblée qui a pour mission de faire des lois est dite législative (v. 1370).
Faire des lois c'est légiférer, d'abord légisférer (1796), dérivé du latin legifer. Il a supplanté le verbe législater (1799).
On en a tiré l'adjectif légiférable (1938) aujourd'hui inusité.
L'ensemble des pouvoirs qui font les lois porte le nom de législature (1636) ; celui qui fait des lois, un législateur (v. 1370) (lateur = qui porte) ; et la réunion des lois d'un pays en forme la législation (v. 1361).

Une loi spéciale, un avantage particulier est un privilège (v. 1170) du latin juridique privilegium [loi exceptionnelle prise en faveur d'un particulier (privus) constituant un avantage, une faveur].
Le mot, repris comme terme juridique, désigne un avantage accordé à une personne ou à un groupe, qui en jouit à l'exclusion des autres.
Il désigne aussi l'acte authentifiant la concession d'un tel privilège.
Le dérivé privilégier (v. 1223) a d'abord eu le sens particulier d'attribuer des indulgences à une église puis, plus généralement, d'accorder un privilège à quelqu'un (1260).
Celui qui est l'objet de cette faveur est privilégié (1283) ; c'est un privilégié.

Le mot lex, en latin, ne signifie pas seulement la loi faite par les pouvoirs publics ; il désigne aussi toute espèce de disposition ou de condition.
De là le verbe léguer (XIIIe siècle : leghier, du latin legare) et ses nombreux composés et dérivés.
Léguer, c'est transmettre par une disposition, donner par testament. Contrairement à une idée fort répandue, legs (en ancien français lais, altéré en 1466 suite à un rapprochement avec le latin legatum de même sens) ne se rattache pas à léguer mais à laisser (laxare).
Le verbe legare avait en outre, en latin, le sens de charger d'une mission, envoyer en ambassade.
Notre verbe léguer n'a pas ce sens, mais nous avons légat (v. 1155), envoyé extraordinaire du Saint-Siège, et légation (v. 1138 lecaciun), commission pour négocier d'Etat à Etat.
Déléguer (1395), c'est proprement envoyer, députer d'un endroit à un autre. Autre forme : subdéléguer (XVe s.).
La commission qui donne à l'envoyé ses pouvoirs est une délégation (XIIIe s.). Autre forme : subdélégation (1550).
Le délégué (v. 1534) est celui qui est chargé d'une mission.
Envoyer quelqu'un loin de sa patrie, l'exiler dans un lieu assigné, l'écarter d'un territoire déterminé ; c'est le reléguer (v. 1370) (re = mouvement en arrière), le condamner à la relégation (relegacion v. 1370).

Mettre en avant un argument, citer un auteur, déléguer pour une affaire privée, c'est alléguer (1246) (ad indiquant le but).
Une allégation (v. 1230) est une assertion. En termes de droit (1269), allégation signifie preuve à l'appui d'une prétention.

Nous avons distingué loi, ses composés et ses dérivés, de la famille de lire, quoiqu'il s'y rattache par le radical et par le sens.
En effet, en latin, lex, legis, c'est la loi écrite, que l'on lit (legere = lire), par opposition à la coutume et à la tradition orale.

Licite, adjectif, (v. 1300), vient du latin licitus (de licere = être permis) signifiant qui n'est défendu par aucune loi, aucune autorité établie. (Le Petit Robert 1970)


Lex talionis (Loi du talion)

La loi du talion (lex talionis de talis signifiant tel ou pareil) est un terme juridique latin attesté au milieu du Ve siècle (tel crime, telle peine).
Avant le talion, il existait des lois primitives basées sur le principe de la vengeance personnelle.

Dans le recueil de lois babylonien appelé code d'Hammourabi, roi de Babylone (1792-1750 avant JC), la base du droit criminel était le principe de l’égalité des représailles : "Si un homme crève l’œil d’un autre homme on crèvera son œil ; Si un homme casse la dent d’un autre homme on lui cassera une dent."

La loi mosaïque posait également ce principe : "Tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, meurtrissure pour meurtrissure, plaie pour plaie." (Exode, XXI, 23-25, Bible de Jérusalem) ; "Si un homme blesse un compatriote, comme il a fait on lui fera : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent. Tel le dommage que l’on inflige à un homme, tel celui que l’on subit." (Lévitique, XXIV, 19-20, Bible de Jérusalem).
Jésus montra son opposition à la loi du talion : "Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil, et dent pour dent. Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre." (Mathieu V, 38-39, Bible Segond).

Le talion était appliqué en Grèce archaïque et à Rome. Puis, progressivement et ponctuellement, il fut remplacé par des condamnations financières.
Les meilleurs jurisconsultes ont regardé la loi du talion comme une loi barbare, contraire au droit naturel. Grotius (+ 1645) dit qu'elle ne doit avoir lieu ni entre particuliers, ni d'un peuple à un autre (de jure belli & pacis, l. III. c. ij) ; il tire sa décision de ces belles paroles de l'orateur Aelius Aristide (117-192 ?) :« Ne seroit-il pas absurde de justifier & d'imiter ce que l'on condamne en autrui comme une mauvaise action ? »


Hugo Grotius par Michiel Jansz. van Mierevelt (1631).

L'Affaire Enguerrand de Coucy
En 1259, Louis IX veut prononcer un juste jugement (justum judicium judicare) c’est-à-dire punir Enguerrand de Coucy, vicomte de Meaux, selon la loi du talion en le condamnant à une mort semblable à celle des 3 jeunes gens qu’il a fait pendre, sans procès, après qu’ils eurent chassé des lapins dans un bois lui appartenant. Mais les barons font fléchir le roi qui décide que le sire de Coucy rachètera sa vie avec une amende de 10 000 livres, qu’il fera bâtir 2 chapelles où l’on fera tous les jours des prières chantées pour l’âme des 3 jeunes gens, qu’il donnera à l’abbaye le bois où les jeunes gens ont été pendus et qu’il promettra de passer 3 ans en Terre sainte (il sera dispensé de cette promesse par Raoul II de Cierrey, évêque d’Évreux, qui avait reçu pouvoir du pape, à charge néanmoins de payer encore 12 000 livres).


Citations et proverbes

Dura lex sed lex : La loi est dure mais c'est la loi. (Maxime romaine)

Nemo censetur legem ignorare : Nul n'est censé ignorer la loi. Adage tiré d'Aristote (+ 322 av. J.-C.) : « Nul n'est censé ignorer la loi, surtout quand il est facile de la connaître ».

La loi doit avoir autorité sur les hommes, et non les hommes sur la loi. (Pausanias + 467 av. J.-C.)

La coutume est plus sûre que la loi. (Euripide + 406 av. J.-C.)

Cedant arma togae : Que les armes cèdent à la toge. (Cicéron + 43 av. J.-C). Le pouvoir consulaire exécutif (potestas) est aux ordres de l'autorité (auctoritas) sénatoriale des auteurs des lois.

Le coupable craint la loi et l'innocent le sort. (Publius Syrus + 43 av. J.-C.)

Lex est quod notamus : Ce que nous écrivons fait loi. (Devise de la Chambre des notaires de Paris, 1630)

La loi nous oblige à faire ce qui est dit et non ce qui est juste. (Grotius + 1645.)

Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose qu'on veut défendre. (Cardinal de Retz + 1679)

Il est parfois nécessaire de changer certaines lois, mais le cas est rare, et lorsqu'il arrive, il ne faut y toucher que d'une main tremblante.
Une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu'elle est juste. (Montesquieu + 1755).

Les lois trop douces ne sont pas suivies, les lois trop sévères ne sont pas appliquées. (Benjamin Franklin, Poor Richard's Almanac, 1756)

Que toute loi soit claire, uniforme et précise : l'interpréter, c'est presque toujours la corrompre. (Voltaire + 1778).

Où finit la loi, commence la tyrannie. (William Pitt + 1788).

Une mauvaise loi appliquée rend plus de services qu'une bonne loi interprétée. (Napoléon Ier, + 1821, Maximes et Pensées)

Il vaut mieux qu'une injustice se produise plutôt que le monde soit sans loi. (Goethe + 1832).

On peut violer les lois sans qu'elles crient. (Talleyrand +1838)

La vie, la liberté et la propriété n'existent pas parce que des hommes ont fait des lois. Au contraire, c'est parce que la vie, la liberté et la propriété existaient que les hommes ont fait des lois. (Frédéric Bastiat + 1850).

La loi ignore presque le droit.
Il faut que le droit entre dans la loi. (Victor Hugo + 1885).

Tout homme de loi devrait avoir la science du droit et la conscience du devoir. (Jean-Paul Coudeyrette, Autocitations)

La loi est une toile d'araignée : le bourdon s'y fraie un passage, la mouche s'y empêtre. (Proverbe russe).

La loi a le nez en cire. (Proverbe tchèque)


Sources


Auteur : Jean-Paul Coudeyrette
Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur.

Date de mise à jour : 11/02/2024

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