Agnosticisme, athéisme, rationalisme...

SOMMAIRE

1. Agnosticisme 5. Nihilisme, anarchisme 9. Scientisme
2. Athéisme, antithéisme 6. Rationalisme 10. Positivisme
3. Naturalisme 7. Empirisme 11. Néo-positivisme
4. Matérialisme 8. Pragmatisme 12. Citations


1. Agnosticisme

L'agnosticisme (du grec agnostikos = inconnaissable) est la doctrine ou l'attitude philosophique qui déclare l'absolu inaccessible à l'esprit humain ; tout ce qui ne peut être appréhendé dans l'expérience est inconnaissable. C'est la doctrine selon laquelle tout ce qui dépasse le domaine de l'expérience est inconnaissable (Thomas Huxley, 1869). C'est l'expression générale d'un esprit positif en matière d'expérience, sceptique en matière religieuse et métaphysique (Kant, Auguste Comte). L'existence de Dieu et d'autres êtres spirituels n'est ni certaine ni impossible.
La position agnostique se distingue à la fois du théisme, qui affirme l'existence de tels êtres, et de l'athéisme qui récuse leur existence.
L'agnostique s'oppose aussi bien au gnostique (qui exalte la croyance irrationnelle) qu'au dogmatique (qui affirme la vérité absolue de ses raisonnements rationnels).

Le philosophe écossais David Hume (1711-1776 ; Essais philosophiques sur l'entendement humain parus en 1748, Dialogues sur la religion naturelle rédigés en 1750) et le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804 ; La Seule Base possible pour la démonstration de l'existence de Dieu en 1763, Critique de la raison pure en 1781, La religion dans les limites de la simple raison en 1794) sont les fondateurs de l'agnosticisme moderne.


David Hume

En 1788, Kant publie Critique de la raison pratique ; Kant distingue la morale de toute recherche du bonheur (terrestre ou céleste) : « La morale n’est donc pas à proprement parler la doctrine qui nous enseigne comment nous devons nous rendre heureux, mais comment nous devons nous rendre dignes du bonheur (.) Tel est le véritable mobile de la raison pure pratique ; il n’est autre que la pure loi morale elle-même, en tant qu’elle nous fait sentir la sublimité de notre propre existence suprasensible et que, subjectivement, dans les hommes qui ont conscience en même temps de leur existence sensible et de la dépendance qui en résulte pour eux relativement à leur nature, en tant que pathologiquement affectée, elle produit du respect pour leur plus haute détermination ».
Selon Kant (Projet de paix perpétuelle, 1795), l’état de paix ne s’instaurera vraiment, que lorsqu’il existera une constitution politique réglant impérativement, non seulement les relations des individus dans un État, mais les relations des États entre eux ; une telle union juridique des hommes ferait de chacun un citoyen du monde ; les chefs d’État devraient donc avoir pour but, non seulement le bien de leur pays, mais celui du monde entier.


Emmanuel Kant

Albert Camus (1913-1960), dans sa conférence de 1948 aux dominicains de Latour-Maubourg, déclare : « […] ne me sentant en possession d’aucune vérité absolue et d’aucun message, je ne partirai jamais du principe que la vérité chrétienne est illusoire, mais seulement de ce fait que je n’ai pu y entrer. » C’est faute d’avoir pu faire l’expérience de la « vérité chrétienne » qu’il juge philosophiquement indécidable la question de l’existence de Dieu. Il n’y a donc pas initialement un refus athée de sa part. Sa position n’est pas d’emblée antithéiste, dans la mesure où elle ne prend pas la forme d’une négation. Dans Le Mythe de Sisyphe, il souligne qu’il n’argumente pas contre l’existence de Dieu — mais le fait demeure qu’il ne croit pas en Dieu. Ni la raison, ni l’expérience ne permettant de trancher la question, l’agnosticisme lui paraît la voie la plus cohérente 2.


2. Athéisme, antithéisme

Le terme athéisme a désigné l'appartenance à une autre religion : les Romains du 1er siècle qualifiaient les chrétiens d'athées, entendant par là que ceux-ci rejetaient le culte polythéiste traditionnel.
"Athènes, la plus polie et la plus savante des villes grecques, prenait pour athées ceux qui parlaient de choses intellectuelles." (Bossuet)
Dans la langue classique, l'athéisme est la doctrine ou l'attitude qui consiste à nier toute représentation d'un Dieu personnel et vivant. En ce sens précis, le déisme, qui refuse toute représentation de Dieu, est un athéisme, ainsi que le panthéisme, qui identifie Dieu à la nature (Spinoza).
Aujourd'hui, la notion d'athéisme a une extension beaucoup plus grande : elle désigne la doctrine ou l'attitude qui consiste à nier l'existence de Dieu, quel qu'il soit ; c'est de l'antithéisme (anti marque une opposition active au théisme). Cette négation n'est pas toujours explicite : Friedrich Nietzsche (1844-1900) dit qu'il y a des gens qui ne se sont jamais souciés de l'existence ou de la non-existence de Dieu.
L’athéisme peut être considéré comme une attitude ou une doctrine qui ne conçoit pas l’existence ou affirme l’inexistence de quelque dieu, divinité ou entité surnaturelle que ce soit, contrairement, par exemple, au déisme, au théisme et au panthéisme qui soutiennent ces existences, ou à l’agnosticisme qui considère qu’on ne peut répondre à ces questions. 1
L'athéisme développe l'image d'une humanité lucide et courageuse, représentée par Prométhée et par Don Juan, qui rejettent l'ordre divine refusent de se laisser dominer par la peur de la mort. Dieu n'existe pas et, par conséquent, selon Jean-Paul Sartre (1905-1980), l'Homme est condamné à la liberté.
Selon Ludwig Feuerbach (1775-1833) et Marx (1818-1883), toute croyance en Dieu est une aliénation, une fuite devant la réalité, devant le problème fondamental, qui n'est pas celui de l'existence de Dieu, mais de l'avenir de l'homme. Quand Marx dit que la religion est l'opium des peuples, il entend que l'ouvrier, aliéné dans son travail et vivant sans espoir de jamais accéder à une condition meilleure en ce monde, se laisse bercer par l'idée d'un autre monde meilleur où il aura sa juste place, alors que, selon Marx, son salut est ici-bas. Les hommes doivent comprendre que le paradis n'est pas au-delà, mais qu'il leur appartient de le réaliser sur Terre en faisant régner la justice sociale et une société conforme à la morale.
Bref, l'athéisme n'exclut pas les vertus morales propres à l'humanisme ; il récuse seulement l'intervention d'une divine Providence dans les affaires du monde et ne compte que sur le courage, le travail et la volonté des hommes.


3. Naturalisme

Le naturalisme est la doctrine qui nie l'existence du surnaturel, récusant l'idée d'une création divine. Le naturalisme peut aussi bien prendre la forme du panthéisme : on a parfois rapproché le panthéisme de Spinoza (Deus sive Natura) de la philosophie de la nature de Schelling et des romantiques allemands (Novalis, Jacobi, Schlegel). Mais il faut, en toute rigueur, distinguer le panthéisme du naturalisme proprement dit, qui considère la nature matérielle comme l'absolu et qui implique ainsi la négation de toute idée de Dieu. Le naturalisme est par vocation un matérialisme (voir chapitre suivant).
"On donne le nom de naturalistes à ceux qui n'admettent point de Dieu, mais qui croient qu'il n'y a qu'une substance matérielle revêtue de diverses qualités." (Diderot)
D'un point de vue théologique, le naturalisme consiste à affirmer la bonté de la nature humaine et à nier la nécessité de la grâce (intervention surnaturelle) : l'Église l'a considéré comme une hérésie.
Comme doctrine sociale, le naturalisme explique le développement de la société humaine à partir des lois de la nature : climat, géographie, biologie, etc. (malthusianisme, darwinisme social). Il s'oppose aux théories qui lient le déroulement de l'histoire à l'intervention d'une Providence ou qui le considèrent comme le développement d'un plan divin.
Il ne faut pas confondre le naturalisme philosophique avec le naturalisme en littérature (école littéraire groupée autour d'Émile Zola et qui prônait une forme de réalisme esthétique).


4. Matérialisme

Thalès de Milet, Anaximandre, Anaximène et Anaxagore de l'école ionienne, école philosophique grecque du VIe siècle av. J.-C., sont les premiers à chercher une explication rationnelle du monde. Ils marquent le point de départ de la science occidentale. L'école ionienne se distingue alors de la philosophie italique, issue de Pythagore, qui recourt à un type d'explication mythique du monde, exprimé par les religions et les poètes.
Dans la philosophie d'Héraclite (540-480 av. J.-C.) où le Feu primordial apparaît comme une sorte de divinité et où l'hypothèse selon laquelle l'âme survit après la mort est envisagée, les représentations religieuses se trouvent parfois ébranlées par des propos tels que : Ce monde, nul dieu ne l'a fait.
Démocrite (460-370 av. J. C.) conçoit la nature comme un mouvement perpétuel des atomes ou particules matérielles indivisibles et éternelles dont les combinaisons produisent les corps les plus divers. Son matérialisme et son atomisme inspirent ceux d'Épicure et de Lucrèce. Comme Epicure, Lucrèce montre les absurdités des croyances liées à la vie après la mort.
Le matérialisme, doctrine selon laquelle il n'existe d'autre substance que la matière, s'oppose au spiritualisme pour lequel l'esprit constitue la substance de toute réalité. D'une façon générale, le matérialisme rejette l'existence de l'âme, de l'au-delà, de Dieu. Quant à la pensée, il en fait une donnée seconde, soit qu'il la ramène à des faits purement matériels (Démocrite), soit qu'il la nie en tant que réalité et voie en elle une sorte d'illusion (un épiphénomène), soit qu'il explique sa genèse à partir de la matière (matérialisme dialectique).
Le matérialisme refuse de reconnaître la spécificité du psychique (il ramène, par exemple, la découverte spirituelle d'une idée à une réaction physico-chimique dans le cerveau) et considère la connaissance de l'homme comme un simple prolongement de la connaissance de la nature. "Le matérialiste ne voit dans la pensée qu'une fonction organique toute semblable aux autres." (René Scherer)
A la Renaissance, Giordano Bruno s'attaque aux représentations du monde tirées de la foi et, au XIXe siècle, Friedrich Nietzsche (1844-1900) proclame que "Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué !" (Le Gai Savoir, Livre troisième, 125).
La doctrine de Karl Marx (1818-1883) est à la fois une théorie de la connaissance : le matérialisme dialectique, qui garde toute la dialectique de Hegel, mais en la renversant, en substituant le terme d’homme à celui d’absolu, celui de conscience humaine à celui de conscience divine ; une philosophie de l’histoire selon laquelle le développement historique (social et politique) est régi par des lois économiques et notamment par la lutte entre les classes exploitantes et les classes exploitées ; enfin, une théorie économique qui prétend expliquer l’injustice de l’économie capitaliste et énoncer les principes selon lesquels la société capitaliste se détruira elle-même (au cours d’une grande crise de surproduction, accompagnée d’une grève générale), permettant l’avènement d’un État ouvrier.


5. Nihilisme, anarchisme

Selon Friedrich Nietzsche, les valeurs traditionnelles, représentées essentiellement par le christianisme, ont perdu leur emprise sur la vie des individus. En proclamant la mort de Dieu, il résume le nihilisme passif de la civilisation moderne.
Le nihilisme (du latin nihil = rien), appliqué à différentes philosophies radicales, veut balayer les idées acquises et, à la lumière des nouvelles sciences, repartir sur des bases totalement neuves.
La philosophie nihiliste du grec Gorgias (v. 485- 380 av. J.-C.) tient en 3 propositions : rien n'existe ; si quelque chose existait, cela ne serait pas connaissable ; si ce qui existait était connaissable, cette connaissance serait incommunicable.
Le terme nihiliste est d'abord utilisé pour qualifier les hérétiques chrétiens au Moyen Age.
A partir des années 1850, il est appliqué en Russie à des jeunes intellectuels qui, sous l'influence des idées occidentales, répudient le christianisme, jugent la société russe arriérée et tyrannique et prônent des changements révolutionnaires (Nikolaï Dobrolioubov, Dimitri Pissarev). Ivan Tourgueniev introduit le terme en littérature (Pères et Fils, 1862).
Après 1870, le nihilisme évolue, sous l'influence de Nikolaï Gavrilovitch Tchernychevski (1828-1889), dans le sens d'une critique du capitalisme et de l'injustice sociale en Russie. Par réaction aux poursuites gouvernementales et à l'instigation d'agitateurs, certains nihilistes participent à des attentats anarchistes, qui ne faisaient pas partie du programme primitif. Ainsi se fait la liaison avec des hommes tels que Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine (1814-1876) dont L'État et l'Anarchie (1873) recommande de détruire le plus possible, le plus rapidement possible. Le nihilisme se confond alors avec tous les mouvements qui visent à détruire le régime du tsar.
Les narodniks (populistes), qui soutiennent une révolte paysanne dans les années 1870, et les membres du mouvement Narodnaïa Volia (= Liberté du peuple), qui assassinent le tsar Alexandre II en 1881, sont considérés comme des adeptes du nihilisme.
Le nihilisme, négation de toute croyance, a pour objet la destruction totale des structures sociales, sans intention positive de renouveau. Le nihiliste s'identifie à l'anarchiste pour lequel la destruction et la lutte révolutionnaire constituent une fin en soi. Il s'oppose au révolutionnaire, dont le but n'est pas de détruire, mais d'instaurer un ordre nouveau.


6. Rationalisme

Le rationalisme est le système fondé sur la raison, par opposition aux systèmes fondés sur la révélation ou le sentiment.
Le rationalisme s'oppose à l'empirisme (voir chapitre suivant), qui fait dériver toutes nos idées de l'expérience.
Le rationalisme affirme que si nous découvrons nos idées au contact de l'expérience, elles n'en procèdent pas moins de l'esprit et non simplement de l'habitude et de la répétition des choses. Tel est le point de vue de Platon, de Descartes et de Kant.

Christian von Wolff, (+ 1754), philosophe, juriste, mathématicien allemand, élève de Leibniz, développe un rationalisme dogmatique affirmant la liaison absolue des phénomènes entre eux au sein d’un univers réglé logique.


7. Empirisme

Comme l'agnosticisme, l'empirisme, également qualifié de positivisme logique, rejette à la fois l'athéisme et le théisme et soutient que ces affirmations métaphysiques n'ont aucun sens, l'expérience étant seule admise comme source de la connaissance.
L'empirisme, doctrine développée par John Locke (1632-1704) et Hume (1711-1776), s'oppose au rationalisme et à la théorie des idées innées (Descartes).
"Ce qui résulte de l'empirisme c'est l'impossibilité de toute science, l'expérience ne faisant connaître que les phénomènes ; la croyance à toute réalité substantielle disparaît nécessairement, le moi lui-même n'est plus qu'une succession d'impressions, ou une collection de sensations et de notions ; l'empirisme sort du sensualisme et il conduit au scepticisme." (Rousselot)
L'empirisme prend l'expérience pour base de ses théories, et, s'il se trompe, c'est qu'il a mal vu ou mal expérimenté. Il naquit, avec la philosophie même, chez les Hellènes, au VIe siècle av. J.-C. Son but fut de ramener à un principe, soit unique, soit multiple, la pluralité des phénomènes physiques qui frappent les sens.
Thalès de Milet (625-547) conçoit la matière non point inerte et inanimée, mais douée d'une âme, motrice intelligente. Cette âme est la condition d'être de toutes choses. La forme primitive de cette âme est l'eau, élément essentiellement doué de mouvement et susceptible de transformations. L'eau, principe de toutes choses, n'est toutefois, pas le générateur des dieux : ceux-ci naissent d'eux-mêmes.
Hippon, qui professe l'empirisme à une époque qu'on croit voisine de celle de Thalès, objecte le premier que les dieux, puisqu'ils sont nés, ne peuvent échapper à la loi qui régit toutes les créatures, et doivent mourir.
Anaximandre de Milet (610-547), probablement disciple de Thalès, s'applique, comme ce dernier, à rechercher l'élément du monde : il croit le trouver dans un sujet matériel assez vague, contenant en lui-même les contraires, et auquel il donne le nom d'infini.
Anaximène de Milet (585-525) conçoit un empirisme moins grossier que celui de ses prédécesseurs. Il pose comme principe des choses l'air, qu'il assimile à l'esprit : « De même, dit-il, que l'air, qui est notre âme, gouverne nos corps, de même l'air universel anime l'univers. »
Vers 450 av. J.-C., Diogène d'Apollonia professe qu'il ne peut exister qu'un seul sujet naturel, principe du monde, l'air : « L'air, par sa subtilité et sa priorité, doit être doué de la force motrice et de la connaissance. Tous les animaux participent de l'air ; tous, par le même air, vivent, voient et entendent, et de lui tirent leur pensée propre ; leur âme est un air plus chaud que celui du dehors, mais plus froid que celui du soleil. »
Empédocle (490-435) renonce à chercher l'être unique, et reconnaît quatre éléments : le feu, la terre, l'air et l'eau. Ces quatre racines des choses sont divisibles à l'infini et aptes à se combiner ensemble pour engendrer les êtres. Leur agrégation produit la vie, c'est ce qu'Empédocle appelle l'amitié ; leur désagrégation cause la mort et se nomme la discorde. Ces deux principes, l'amitié et la discorde, se combattent l'un l'autre de façon à maintenir un équilibre parfait : "dans leur perpétuelle alternative, ils ne s'arrêtent jamais et demeurent toujours immobiles dans un cercle".
Anaxagore (500-428) introduit l'empirisme à Athènes et est le maître de Périclès et d'Euripide. II ne croit pas que le vide existe, et considère le monde comme infini dans tous les sens, infiniment grand et infiniment petit : "Tout est dans tout". Il fait de l'intelligence le principe de l'univers.
Anaxagore est le dernier grand représentant de l'empirisme (après lui, son disciple, Archélaos de Milet, vers 444, ne sera qu'un compilateur des doctrines ioniennes). Surnommé Le Physicien, parce qu'il s'occupe surtout de la nature (physis), il soupçonne la rondeur de la terre. En morale, il nie la différence essentielle du bien et du mal, et dit que rien n'est juste ou injuste que par l'effet de la coutume.


8. Pragmatisme

Le pragmatisme est l'empirisme (voir chapitre précédent) pour lequel la valeur pratique, c'est-à-dire la réussite, est le critérium de la vérité. Il est représenté par William James (1842-1910), Charles Sanders Peirce (1839-1914), John Dewey (1859-1952), Edouard Le Roy (1870-1954), Lucien Laberthonnière (1860-1932) et Giovanni Papini (1881-1956).
En science, le pragmatisme ne reconnaît la vérité d'une loi ou d'une théorie qu'à la possibilité d'en tirer des applications pratiques. Une religion est tenue pour vraie quand elle est moralement bienfaisante. Le pragmatisme s'oppose au rationalisme pour qui une chose n'est pas vraie parce qu'elle est utile, mais est utile à enseigner parce qu'elle est vraie.
Le pragmatisme eut son époque de gloire à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. A peu près disparu en Europe, il subsiste encore aux Etats-Unis dans certains cercles philosophiques.


9. Scientisme

La première doctrine d'Auguste Comte (1798-1857), avant son positivisme ou religion de l'Humanité (voir chapitre suivant), est le scientisme.
Le scientisme considère la connaissance scientifique comme la connaissance absolue. Son principe est que la science satisfait tous les besoins de l'intelligence humaine. Son espoir est que les progrès de la science supprimeront toute la part d'inconnu dans le monde et dans l'homme. Il refuse donc l'idée d'un inconnaissable absolu, qui est la source de l'idée de Dieu : le concept de Dieu recouvrirait ce que la science ne connaît pas encore, mais qu'elle connaîtra nécessairement.
"Il n'y a qu'une maxime absolue, c'est qu'il n'y a rien d'absolu." (Auguste Comte)


10. Positivisme

Le positivisme est le système philosophique fondé sur l'expérience et la connaissance empirique des phénomènes naturels et pour lequel la métaphysique et la théologie sont des systèmes de connaissance inappropriés et imparfaits.
Le terme positivisme est utilisé en premier au XIXe siècle par Auguste Comte (Système de politique positive) : « La formule sacrée du positivisme : l'Amour pour principe, l'Ordre pour base, et le Progrès pour but » ; mais certaines notions positivistes sont empruntées à David Hume, au comte de Saint-Simon (1760-1825) et à Emmanuel Kant.


11. Néo-positivisme

Le néo-positivisme ou positivisme logique, est né aux États-Unis en 1918.
Il s'apparente au positivisme classique d'Auguste Comte et de John Stuart Mill (1806-1873), mais il s'y ajoute de nouvelles tendances, en particulier l'intérêt porté à la logique et à l'analyse technique des problèmes (d'où son nom de philosophie analytique).John Stuart Mill écrit des textes en faveur de l’indépendance des femmes ; à la différence de Mill, Nietzsche mène un combat contre le mouvement de l’émancipation féminine, qui s’avère sans merci.
Les principaux représentants du néo-positivisme sont Carnap, Reichenbach, Neurath, Schlick et Tarski ; le cercle anglais de l'Analysis se trouve représenté par Ryle, Ayer, Russell et le logicien Wittgenstein.


12. Citations

Évhémère, surnommé l’Athée (né vers 316 av.J.-C, ndlr), dit ceci : "Lorsque les hommes n’étaient pas encore civilisés, ceux qui l’emportaient assez sur les autres en force et en intelligence pour contraindre tout le monde à faire ce qu’ils ordonnaient, désirant jouir d’une plus grande admiration et obtenir plus de respect, s’attribuèrent faussement une puissance surhumaine et divine, ce qui les fit considérer par la foule comme des dieux." (Sextus Empiricus, vers 190, Contre l’enseignement des sciences)

Ceux qui nient l'existence de Dieu s'efforcent d'abolir la plus noble prérogative de l'homme ; car l'homme, par son corps, n'est que trop semblable aux brutes, et si, par son âme, il n'a pas quelque ressemblance avec la divinité, ce n'est plus qu'un animal vil et méprisable. Ils renient aussi le vrai fondement de la magnanimité et de tous les sentiments qui peuvent élever la nature humaine. (Francis Bacon 1561-1626)

Beaucoup ne sont athées que par beau temps. (Edward Young, Night Thoughts, 1742)

La superstition est plus injurieuse à Dieu que l'athéisme.
L'incrédulité est quelquefois le vice d'un sot, et la crédulité le défaut d'un homme d'esprit. (Denis Diderot, Pensées philosophiques, 1746)

L'impie dit à Dieu : pourquoi as-tu fait des misérables ? (Vauvenargues + 1747, Réflexions et Maximes)

II est évident que, dans la morale, il vaut beaucoup mieux reconnaître un Dieu que de n'en point admettre. C'est l'intérêt de tous les hommes qu'il y ait une Divinité qui punisse ce que la justice humaine ne peut réprimer (...) Il est donc absolument nécessaire, pour les princes et pour les peuples, que l'Idée d'un Etre suprême, créateur, gouverneur, rémunérateur et vengeur soit profondément gravée dans les esprits. (Voltaire 1694-1778)

L'athéisme et le fanatisme sont deux monstres qui peuvent dévorer et déchirer la société (...) Le fanatisme est un monstre mille fois plus dangereux que l'athéisme philosophique. (Voltaire, Dictionnaire philosophique)

Si l'athéisme ne fait pas verser le sang des hommes, c'est moins par amour pour la paix que par indifférence pour le bien. (J.-J. Rousseau 1712-1778)

La simple ignorance de Dieu ne serait pas l'athéisme : pour mériter le titre d'athée, il faut avoir la notion de Dieu et la rejeter. (Jean Le Rond d'Alembert 1717-1783)

Chaque homme veut un Dieu pour lui seul.
Nous respecterons les prêtres quand ils deviendront citoyens.
Quand on voudra s'occuper utilement du bonheur des hommes, c'est par les Dieux du ciel que la réforme doit commencer.
Il n'est pas deux individus sur la terre qui aient ou qui puissent avoir les mêmes idées que leur dieu. (Paul-Henri Thiry, baron d’Holbach, 1723-1789)

Le bonheur n'est pas un idéal de raison mais d'imagination. (Emmanuel Kant + 1804)

Mon plus grand chagrin est qu'il n'existe réellement pas de Dieu et de me voir privé, par là, du plaisir de l'insulter plus positivement. (Marquis de Sade + 1814)

L'athéisme spiritualise la matière et matérialise l'esprit.
Il n'y a d'athéisme que dans la froideur, l'égoïsme et la bassesse. (Madame de Staël 1766-1817)

Ce n'est pas le fanatisme qui est à craindre maintenant, c'est l'athéisme. (Napoléon Ier 1769-1821)

Celui qui enseigne à l'homme l'athéisme est aussi insensé que celui qui souffle le fanatisme. (François Barbé-Marbois 1745-1837)

C'est une méchante manière de raisonner que de rejeter ce qu'on ne peut comprendre. (François-Auguste-René de Chateaubriand 1768-1848, Génie du christianisme)

L'incroyance est la ruine non seulement des individus, mais des sociétés. (Lamennais + 1854)

Une société d'athées inventerait aussitôt une religion. (Honoré de Balzac (1799-1850), Le catéchisme social)

Il est évident que l'athéisme est encore moins logique que la foi. (Pierre-Joseph Proudhon 1809-1865)

Notre rationalisme grossier est l'inauguration d'une période qui, à force de science, deviendra vraiment prodigieuse. (Proudhon)

Ni Dieu ni maître. (Maxime de Louis Auguste Blanqui qui en fit le titre d'un journal qu'il créa après la Commune en 1879)

Ce fut le rationalisme qui fraya la voie au christianisme dans le monde païen. (Emile Littré 1801-1881)

Ce qui est au-delà du savoir positif, soit, matériellement, le fond de l'espace sans bornes, soit, intellectuellement, l'enchaînement des causes sans terme, est inaccessible à l'esprit humain. Mais inaccessible ne veut pas dire nul ou non existant. L'immensité, tant matérielle qu'intellectuelle, tient par un lien étroit à nos connaissances, et devient par cette alliance une idée positive du même ordre ; je veux dire que, en les touchant et en les abordant, cette immensité apparaît sous un double caractère, la réalité et l'inaccessibilité. C'est un océan qui vient battre notre rive, et pour lequel nous n'avons ni barque ni voile, mais dont la claire vision est aussi claire que formidable. (E. Littré)

L'athéisme dresse contre Dieu un procès-verbal de carence. (Victor Hugo 1802-1885)

Les brèches que l'athéisme fait à l'infini, ressemblent aux blessures qu'une bombe ferait à la mer. Tout se referme et continue. (Victor Hugo, Philosophie, Commencement d'un livre, 1834)

La négation de l'infini mène droit au nihilisme.
Le nihiliste logique doute que son interlocuteur existe, et n'est pas bien sûr d'exister lui-même. (V. Hugo).

Nos fautes sont des dettes contractées ici et payables ailleurs. L'athéisme n'est autre chose qu'un essai de déclaration d'insolvabilité. (Victor Hugo, Littérature et philosophie mêlées)

L'athéisme est une négation de Dieu, et par cette négation, il pose l'existence de l'homme. (Karl Marx, Manuscrits 1844)

Un matérialisme grossier, n'estimant les choses qu'en vue de leur utilité immédiate, tend de plus en plus à prendre la direction de l'humanité. (Joseph Ernest Renan 1823-1892)

Dans le monde intérieur comme dans le monde extérieur, l'homme de science se voit environné de changements perpétuels dont il ne peut découvrir ni le commencement ni la fin. Si, remontant le cours de l'évolution des choses, il adopte l'hypothèse d'après laquelle l'univers aurait eu autrefois une forme diffuse, il se trouve à la fin dans l'impossibilité de concevoir comment l'univers est arrivé à cet état ; de même, s'il spécule sur le futur, il ne peut assigner de limite à l'immense succession de phénomènes qui se déroule toujours devant lui. De même, s'il porte ses regards au dedans, il s'aperçoit que les deux bouts de la chaîne de la conscience sont hors de ses prises ; bien plus, qu'il est hors de son pouvoir de concevoir que la conscience ait commencé dans le passé ou qu'elle finisse dans l'avenir. Ce n'est pas tout : si, laissant la succession des phénomènes du dehors et de ceux du dedans, le savant veut connaître leur nature intime, il se trouve tout aussi impuissant. Quand même il serait capable dans tous les cas de ramener les apparences, les propriétés et les mouvements des choses à des manifestations de force dans l'espace et le temps, il trouverait encore que la force, l'espace et le temps dépassent toute intelligence. Pareillement, s'il peut en dernière analyse ramener les actions mentales à des sensations, comme aux matériaux primitifs dont sont construites toutes les pensées, il n'en est pas pour cela plus avancé ; car il ne peut donner aucune explication soit des sensations elles-mêmes, soit de ce quelque chose qui a conscience des sensations. Il constate ainsi que la substance et l'origine des choses objectives comme celle des choses subjectives sont impénétrables. Dans quelque sens qu'il porte ses investigations, elles le ramènent toujours en présence d'une énigme insoluble, et il en reconnaît toujours plus clairement l'insolubilité. Il apprend à la fin à connaître la grandeur et la petitesse de l'intelligence humaine, sa puissance dans le domaine de l'expérience, son impuissance dans le domaine où l'expérience ne pénètre pas. Il se fait une idée très nette de l'incompréhensibilité du plus simple fait considéré en lui-même. Plus qu'un autre, il sait à n'en pas douter que, dans son essence intime, rien ne peut être connu. (Herbert Spencer 1820-1903, fondateur de la philosophie évolutionniste)

Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. — Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d'inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes d'eux ? (Friedrich Wilhelm Nietzsche, Le Gai Savoir - Die fröhliche Wissenschaft - Livre troisième, 125. 1882et1887)

Si l'athéisme se propageait, il deviendrait une religion aussi intolérable que les anciennes. (Gustave Le Bon, Aphorismes du temps présent, 1913)

Ce n'est pas la science qui est irréligieuse ; ce sont les savants. (Paul-Jean Toulet, + 1920)

L'agnosticisme c'est le dogme de l'ignorance nécessaire. (Denys Cochin 1851-1922)

La religion en tant que source de consolation est un obstacle à la véritable foi, et en ce sens l'athéisme est une purification. (Simone Weil 1909-1943, Cahier II)

A cette époque, je n'avais pas la foi. Ceux qui me l'ont donnée, ce sont quelques athées, plus tard, que j'ai connus. (Sacha Guitry 1885-1957)

Seul un athée peut être un bon chrétien et seul un chrétien, à l'inverse, peut être un bon athée. (Ernst Bloch 1885-1977, L'athéisme dans le christianisme)

L'athéisme en France est une religion et l'anticléricalisme une église. (Emmanuel Berl 1892-1976)

Le silence c'est Dieu. L'absence c'est Dieu. Dieu c'est la solitude des hommes. Il n'y avait que moi : j'ai décidé seul du Mal ; seul, j'ai inventé le Bien. C'est moi qui ai triché, moi qui ai fait des miracles, c'est moi qui m'accuse aujourd'hui, moi seul peut m'absoudre ; moi, l'homme. Si Dieu existe, l'homme est néant, si l'homme existe... (Jean-Paul Sartre, Le diable et le bon Dieu, acte 2, 1951)

J'ai choisi la justice, pour rester fidèle à la terre. Je continue à croire que ce monde n'a pas de sens supérieur. Mais je sais que quelque chose en lui a du sens, et c'est l'homme, parce qu'il est le seul être à exiger d'en avoir. (Albert Camus, L'Homme Révolté, 1951)

La pensée unique, l'humanisme qui prend la place de Jésus, détruit l'identité chrétienne. Ne mettons pas aux enchères notre carte d'identité [.] (Pape François, le 16 novembre 2015)

Ceux qui disent n’avoir ni dieu ni maître,
S’ils n’ont pas de dieu, ont beaucoup de maîtres ! (Jean-Paul Coudeyrette, Autocitations)

L'humanisme athée a remplacé le Dieu fait Homme par l'Homme fait Dieu. (Jean-Paul Coudeyrette, Autocitations)

La lumière poursuit l'aveugle. (Proverbe italien)


Notes :
1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Ath%C3%A9es
2 https://www.cairn.info/revue-etudes-2003-9-page-227.htm


Sources


Auteur : Jean-Paul Coudeyrette
Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur

Date de mise à jour : 24/03/2024

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