Le jaïnisme ou jinisme

Le jaïnisme ou jinisme, mouvement antibrahmanique, est fondé par Vardhamana Jnatiputra ou Nataputta Mahâvîra - le grand héros - (549-477 av. J.-C.), appelé Jina [= vainqueur (spirituel)], un contemporain du Bouddha.

Comme les bouddhistes, les jaïna renient l'origine divine et l'autorité des Veda et vénèrent certains saints, prêcheurs de la doctrine jaïna dans un passé très ancien, qu'ils appellent tirthankaras (= prophètes ou fondateurs de la voie).
Ces saints sont des âmes libérées qui furent autrefois emprisonnées mais devinrent libres, parfaites et bienheureuses grâce à leurs propres efforts ; ils offrent de sauver l'individu de l'océan de l'existence phénoménale et du cycle des renaissances.

Le 6 décembre 2011, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et son président le cardinal Jean-Louis Tauran accueillent une délégation du jaïnisme indien conduite par M. Nemu Chandaria, Vice-Président de l'Institute of Jainology, pour la seconde réunion de ce type après celle de 1995. Les deux parties saluent la qualité de leurs relations et les bons rapports entre les fidèles des deux religions dans les pays où ils cohabitent. 4


Religion et doctrine

Comme les membres de la secte apparentée, le brahmanisme, les jaïna admettent, en pratique, l'institution de castes, exécutent 16 rites fondamentaux, appelés samskaras, prescrits pour les 3 premiers varnas (castes), et reconnaissent certaines divinités mineures du panthéon hindou ; néanmoins, Charles Norton Edgecumbe Eliot, érudit britannique cité par Bryan Wilson, disait du jaïnisme qu'il est une religion athée : « Le jaïnisme est athée et cet athéisme n’est ni une excuse, ni une polémique mais est plutôt acceptée comme constituant une attitude religieuse naturelle » 5.

Les obligations religieuses sont différentes pour les ordres monastiques (dont les membres sont appelés yatis et les laïcs sravakas).

Les yatis doivent observer 5 grands vœux (panca-mahavrata) :
- le refus de blesser (ahimsa),
- la véracité (satya),
- le refus de voler (asteya),
- la chasteté (brahmacarya)
- le refus d'accepter des dons superflus (aparigraha).
En outre, ne pas manger de nuit.

Autrement dit, la voie jaïna comporte cinq grands vœux : "l'abstention de toute activité nuisible, de tout manque de vérité, de toute appropriation des choses non données, d'activité sexuelle, de tout attachement possessif." 2

En pratiquant la doctrine de la non-violence, les yatis portent le respect de la vie animale à ses plus extrêmes limites : « La non-violence est la première des religions ».
L'observation des pratiques non violentes des yatis influença la philosophie du dirigeant nationaliste indien Mohandas Karamchand Gandhi.

Les deux principales sectes jaïna (issues d’une scission au début du 4ème siècle avant J.-C.), les digambara (= vêtus d'air parce que nus), fidèles de Bhadrabahu chef spirituel des moines jaïns, et les svetambara (= vêtus de blanc), ont rédigé une immense littérature laïque et religieuse en langues prakrit et sanskrit.

« Il existe cinq variétés de corps, chacun avec sa fonction propre. Tout organisme corporel en possède deux au moins, quatre au plus. Ce sont, en allant du moins au plus subtil : le corps physique (de chair, d’os, etc.), comme est celui des hommes et des animaux ; le corps de transformation (vaikriyika) qui se métamorphose au gré de son possesseur et dont les êtres célestes et infernaux sont naturellement doués ; le corps de transfert (aharika), incompatible avec le précédent, qui permet à l’âme de connaître et d’agir loin du lieu où se trouve le corps physique, et qui est propre aux hommes, dans des cas particuliers ; le corps ardent (taijasa), qui, formé de particules ignées, permet les fonctions digestives et condense une grande quantité d’énergie et de puissance ; le corps karmique, formé du karman, qui se trouve contenu dans l’âme. Les deux derniers se rencontrent dans tous les êtres ». 3

Le moine, pour se libérer de l’esclavage de la transmigration, doit purifier son âme de la matière karmique, en rejetant le karman et en empêchant tout nouvel influx.
Par une série de pratiques, il tend à obtenir l’arrêt (samvara) de ce flot karmique :
- par la triple surveillance (gupti) des activités mentales, verbales et corporelles ;
- par le quintuple souci de n’endommager aucun être vivant ;
- par l’observance au plus haut degré des dix règles de la morale monastique : patience, humilité, droiture, pureté, véracité, maîtrise de soi, austérité, continence, pauvreté volontaire, obéissance spirituelle ;
- par la pratique des douze réflexions sur l’impermanence universelle, la faiblesse humaine, la ronde de la transmigration, la solitude de chacun, la différence essentielle de l’âme et du corps, l’influx du karman, son arrêt, son rejet... ;
- enfin par la tolérance des vingt-deux désagréments physiques et moraux : faim, soif, froid, chaud, morsure des insectes, nudité, répugnance pour les devoirs monastiques, séduction féminine, pérégrination, étude, pauvreté du gîte, insultes, coups, mendicité, refus (de l’aumône), maladie, piqûres des herbes, malpropreté, manifestations honorifiques, insuffisance des connaissances, irritation de ne pas comprendre, orgueil.

Ces observances de caractère ascétique sont complétées par l’ascèse proprement dite, qui doit permettre le rejet du karman.
Elle comporte des jeûnes, confession et pénitence, bonne conduite religieuse, services des membres de la communauté, étude, recueillement et concentration mentale.

Le svastika représente le Tirthankara Suparsva, le septième saint, le septième arhat (celui qui est parvenu au dernier échelon de la sagesse). Tous les temples et textes jaïns portent ce symbole, qui est dessiné sept fois avec du riz autour de l'autel avant chaque cérémonie.


Le svastika des jaïns représente les quatre mondes :
en haut à gauche, le monde des hommes ;
en haut à droite, le monde des dieux ;
en bas à gauche, le monde des animaux et des plantes ;
en bas à droite, le monde des démons.
Seul le monde des hommes est ouvert à la délivrance, grâce aux trois joyaux (en vert) du jaïnisme (vision juste, connaissance juste et conduite juste) qui permettent d'accéder à la libération du cycle des réincarnations, le candra-bindu (en jaune) 1


Prière jaïn

Je vénère les Arhats (les Jinas, ceux qui sont arrivés au kevala, à la connaissance suprême)
Je vénère les Siddha (les âmes pures détachées de toutes particules karmiques arrivées au nirvâna)
Je vénère les Âcharya (les maîtres spirituels, les chefs de communauté)
Je vénère les Upâdhyâya (les ascètes chargés de l’instruction, ceux qui partagent leur savoir)
Je vénère tous les Sâdhus sur terre (les ascètes désireux de se libérer des liens du karma)


Drapeau jaïn


Citation

L'homme devrait cheminer d'une manière indifférente face aux choses terrestres et traiter toutes les créatures de ce monde comme il aimerait être traité lui-même. (Sutrakritanga I.11.33 vers 500 avant JC)


Notes
1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Svastika#Ja.C3.AFnisme
2 D. Huisman / M.-A. Malfray, Les plus grands textes de la philosophie orientale, Albin Michel, Paris, 1992, p.69<
3 C. Caillat, Les Expiations dans le rituel jaina ancien, Paris, 1965; «Le jinisme», in Histoire des religions, t.I, Encyclopédie de la Pléiade, Paris, 1970; La Cosmologie jaïna..., Paris, 1981
4 VIS
5 Hinduism And Buddhism An Historical Sketch by Sir Charles Eliot. 1921.

Sources


Auteur : Jean-Paul Coudeyrette
Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur.

Date de mise à jour : 11/02/2024

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