Martin de Tours

Né à Sabaria en Pannonie (aujourd'hui Szombathely en Hongrie) où son père, tribun militaire païen, était en garnison, Martin est élevé à Pavie. Dès l'âge de 15 ans, il est obligé de servir dans l’armée romaine, d’abord en Italie puis en Gaule (la loi romaine obligeait les fils de soldats à s'enrôler dans l'armée).
Alors qu’il est en garnison à Amiens dans la cavalerie impériale, un jour de l’hiver 337, se produit l’épisode le plus fameux de sa vie.
Près d’une porte de la ville, il rencontre un mendiant nu et grelottant de froid ; il coupe alors sa chlamyde (son manteau) d’un coup d’épée et en donne une moitié au pauvre qui l’implore.
Martin ne donne que la moitié de son manteau parce que la moitié de l'équipement de chaque nouvelle recrue de l'armée Romaine était payée par l'empereur ou le sénat, l'autre moitié l'étant par les deniers personnels : Martin ne donne donc que la partie du manteau qui lui appartient, l'autre partie étant propriété de l'état romain.
Pendant la nuit qui suit, le Christ lui apparaît en songe, portant la moitié du manteau offert au miséreux et le remerciant pour ce geste de charité.
Martin décide alors de quitter l’armée et de se convertir au christianisme.
L’empereur lui refuse son congé, mais, comme Martin refuse de porter les armes et de se battre, il est emprisonné.

A sa libération, Martin reçoit le baptême (il a 22 ans) et va se mettre sous la direction de l’évêque de Poitiers, Hilaire. Mais celui-ci est exilé, en 356, par les hérétiques ariens au pouvoir, et Martin quitte la Gaule.
Il va jusqu’en Pannonie, où il convertit sa mère, puis revient par l’Illyricum, où il lutte contre l’arianisme, ce qui lui vaut d’être battu de verges.
Il essaie de mener la vie monastique près de Milan d’où l’évêque arien le chasse.
Il se réfugie alors dans un îlot de la côte ligure, puis, apprenant qu'Hilaire est rentré d’exil, il regagne Poitiers où l’évêque l’ordonne prêtre et exorciste.

Vers 360, Martin obtient des terres à Ligugé, en Poitou, et y établit un ermitage : dans un dénuement total, il veut être seul pour prier Dieu et se repentir de ses fautes passées.
Il est bientôt rejoint par des disciples, attirés par l’exemple de son ascétisme et de sa piété. Le groupe se développe rapidement en communauté religieuse (80 moines) et Ligugé devient le premier monastère fondé en Gaule.
La résurrection d’un catéchumène attire l’attention sur Martin qui devient célèbre dans toute la région.

La renommée de Martin atteint un tel rayonnement que le clergé et le peuple du diocèse de Tours l’élisent comme évêque en 370.
Martin refuse cette élection, se cache, puis accepte par devoir : il est ordonné évêque le 4 juillet 371.
Bien que remplissant scrupuleusement sa charge épiscopale pendant vingt-sept ans, il continue à vivre en moine, d’abord dans une cellule près de sa cathédrale, ensuite au monastère de Marmoutier qu’il fonde sur la rive droite de la Loire et qui devient rapidement une des plus grandes communautés monastiques d’Occident.
Jusqu’à sa mort, Martin fait œuvre de missionnaire non seulement dans son diocèse, mais dans toute la France de l’Ouest, évangélisant et convertissant les populations rurales de la Saintonge, du Berry et de l’Auvergne.
Sous son impulsion, les temples païens, les idoles et arbres sacrés sont détruits, remplacés par des chapelles et des églises administrées par un prêtre.
Selon la légende, il se fait attacher à la place où doit tomber un arbre sacré et le détourne d’un signe de croix.
Quand il apprend que l’empereur Maxime veut exécuter les partisans de l’hérétique Priscillien, Martin, qui se trouve alors à Trèves, accepte de communier avec eux pour les sauver (384). Malgré l’intervention de Martin, Priscillien est convaincu de maléfice et de pratiques immorales. En janvier 385, il est condamné à mort et exécuté, avec six de ses disciples, dont une femme : Priscillien est dans l’histoire le premier à avoir subi la peine de mort pour hérésie. Martin, Ambroise et le pape Sirice protestent contre ces exécutions.
À la fin de sa vie, Martin est attaqué et blâmé par des évêques et des prêtres, qui lui reprochent la simplicité de sa vie, sa bonté pour les égarés, son passé de militaire…
Lors d’une tournée pastorale, Martin est saisi d'une fièvre très grave. Il meurt à Candes (37) le 8 novembre 397. Peu avant sa mort, Martin a dit : " Seigneur, si je puis être encore utile à ton peuple, malgré mes 80 ans, je ne refuse pas le travail. Toutefois que ta volonté soit faite… Laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre. Je ne dois plus tarder pour orienter mon âme vers la voie qui conduit au Seigneur."
"Comme la mort approchait, voyant l'ennemi du genre humain, il dit : Que fais-tu là, bête cruelle ! tu ne trouveras rien en moi pour toi. Ce fut en prononçant ces mots, qu'âgé de quatre-vingt-un ans, il rendit à Dieu son âme. Elle fut reçue par le chœur des Anges, dont plusieurs personnes ouïrent les divines mélodies, spécialement l'évêque de Cologne saint Séverin." 2
Tourangeaux et Poitevins se précipitent à son chevet. L’évêque est déjà considéré comme un saint : différents miracles, dont la résurrection d’un mort, la délivrance d’un possédé et la guérison d’un lépreux, lui sont attribués. Aussi, le corps de Martin est-il objet de convoitise : le détenir assurera à la communauté une protection éternelle. Par ruse, les Tourangeaux réussissent à s’en emparer. Son corps est ramené à Tours et enseveli le 11 novembre, jour qui est retenu pour sa fête.


Saint Martin de Tours par Simone Martini (XIVe siècle)

Le culte de celui que l’on surnomme l’apôtre des Gaules gagne rapidement toute la Chrétienté et la basilique de Tours devient le premier centre de pèlerinage.
Son disciple, Sulpice Sévère (v. 360- v. 420), historien, répand son culte dans toute la Gaule et écrit la Vie de Saint Martin (397) : « Un jour, le diable lui apparut précédé et entouré d'une lumière étincelante, pour lui faire plus facilement illusion par le rayonnement d'un éclat emprunté. (...) « Eh bien Martin, pourquoi hésiter à croire, puisque tu vois ? Je suis le Christ. » Alors l'évêque, éclairé par une révélation de l'Esprit, comprenant que c'était le diable, non le Seigneur : « Le Seigneur Jésus, dit-il, n'a pas annoncé qu'il viendrait vêtu de pourpre, avec un diadème étincelant. Pour moi, je ne croirai pas à la venue du Christ, s'il n'a pas l'aspect et la figure du jour de sa Passion, s'il ne porte par les stigmates de la croix. » A ces mots, l'autre disparut aussitôt comme une fumée, emplissant la cellule d'une odeur fétide, indice indubitable que c'était le diable. »

Martin est le premier saint à n'avoir pas subi le martyre.Les Eglises d'Orient l'appellent Saint Martin le Miséricordieux.
Il est fêté le 11 novembre.

Second patron de la France après Geneviève, Martin, l’apôtre des Gaules, est aussi le patron des mendiants, des tailleurs, des soldats, des commissaires de l'armée de terre, des cavaliers et des policiers de France.

La tradition chrétienne veut que Clovis attribue sa victoire de Vouillé (en 507) à la protection de Saint Martin 1 et de Saint Hilaire, et que Saint Martin devient alors le saint patron des Francs. Les Mérovingiens furent imités ensuite par les Carolingiens et plus tard par les Capétiens qui se déclarèrent abbés laïcs de St Martin de Tours.

Il existe en France, 237 communes répertoriées qui portent le nom de saint Martin. Plus de 3 600 églises sont dédiées à ce saint. Dans le monde entier, un nombre considérable de lieux font référence à saint Martin de Tours.

Le 11 novembre 1502, Christophe Colomb découvre une île nouvelle qu’il nomme Martinique en l’honneur du saint.

Les gardes suisses pontificaux ont choisi Martin pour modèle et protecteur.

Le culte de saint Martin est profondément enraciné dans la culture religieuse allemande : deux diocèses sont sous son patronage et de nombreuses églises lui sont dédiées. (Infocatho)

Près de son tombeau, à Tours, une plaque signée par le Maréchal Foch rend grâce à Dieu pour la victoire de 1918.

Martin est choisi comme saint patron par la Communauté Chrétienne des Policiers de France le 19 janvier 1993. Il est reconnu et accepté par la Conférence des évêques de France le 22 mars 1993. Il est noté et enregistré sous le N° 00092 comme patron des policiers de France le 26 Avril 1993 par Charles Pasqua, Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur.

Le pape Jean-Paul II, en France du 19 au 22 septembre 1996, se rend le 21 à Tours pour faire son pèlerinage au tombeau du saint évêque.


CITATIONS

Celui qui dépouille quelqu'un de ses vêtements est un pillard. Celui qui laisse les pauvres tout nus alors qu'il peut les vêtir, peut-on l'appeler autrement ? A l'affamé appartient le pain que tu conserves, à l'homme nu appartient le manteau que tu serres dans tes coffres, au clochard la chaussure qui pourrit chez toi, au miséreux l'argent que tu recèles. De la sorte, tu opprimes beaucoup de gens que tu pouvais aider. (Basile de Césarée +379, Homélie contre la richesse)

Que saint Martin nous aide à comprendre que ce n'est qu'à travers un engagement commun de partage que l'on peut répondre au grand défi de notre temps : celui de construire un monde de paix et de justice, dans lequel tout homme puisse vivre dignement. Ceci pourra advenir si prévaut un modèle mondial de solidarité authentique, en mesure d'assurer à tous les habitants de la planète la nourriture, l'eau, les soins médicaux nécessaires, mais également le travail et les ressources énergétiques, de même que les biens culturels, les connaissances scientifiques et technologiques. (Benoît XVI, 12/11/2007)


Notes
1 L'ORIFLAMME
[...] le roi de France (Clovis roi de tous les Francs de 481 à 511, ndlr), dès l'an 498, prit pour drapeau la chape de saint Martin. En 630 (sous Dagobert Ier roi des Francs de 629 à 639, ndlr) parut l'oriflamme, qui remplaça cette chape (Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle. Pierre Larousse. 1863-1890).
"L’opinion commune est que l’oriflamme est le plus célèbre & le plus ancien de tous nos étendards ; c’étoit celui de toute l’armée : on croit qu’il parut sous Dagobert en 630, & qu’il disparut sous Louis XI (roi de France de 1461 à 1483, ndlr). Les histoires de France en parlent diversement. M. le président Hénault dit que Louis-le-Gros (Louis VI de France, dit le Gros ou le Batailleur, roi des Francs de juillet 1108 à 1137, ndlr) est le premier de nos rois qui ait été prendre l’oriflamme à Saint-Denis " (Encyclopédie 1ère édition tome 6, page Diderot).
"L'oriflamme était une bande de soie légère, rouge uni (couleur impériale ou encore celle du martyr, en l'honneur des saints Denis, Rustique et Éleuthère), assez longue, découpée de cinq, trois ou deux queues, ornée de houppes vertes, attachée par des anneaux à une lance dorée pouvant tuer l'ennemi" (Encyclopædia Universalis 2007, Hervé Pinoteau). Oriflamme (du latin aurea flamma = flamme d'or) désigne, dans la Chanson de Roland, l'étendard de Charlemagne (qui régna de 768 à 814, ndlr), porté par Geoffroi d’Anjou. Oriflamme désignait l'étendard de l'abbaye de Saint-Denis que les rois de France levaient avant de partir en guerre. L'oriflamme était hissée sur le champ de bataille pour signifier aux troupes françaises qu'il ne fallait pas donner de quartier aux ennemis, d'où son appellation d'oriflamme de la mort (oriflamme of death) en anglais. Il y a contradiction entre le nom de l'étendard doré attribué à Charlemagne dans la Chanson de Roland et l'étendard rouge de l'abbaye.
En août 1124, Henri V, l’empereur d’Allemagne, envahit la Champagne, attaque Reims mais est repoussé par Louis VI le Gros ; c’est à cette occasion qu'est brandi pour la première fois l’oriflamme rouge, bannière des abbés de Saint-Denis, à l'initiative de l'abbé de Saint-Denis, Suger (le « père de la patrie »). Le 24 juin 1190, avant son départ pour la croisade, Philippe Auguste prend l'oriflamme à Saint-Denis. En 1248, Louis IX (saint Louis), prend l'oriflamme de Saint-Denis peu avant de partir en Égypte pour la septième croisade (https://fr.wikipedia.org/wiki/Oriflamme). Le port de la bannière de saint Denis par les rois de France sera abandonné par Charles VII (1429-1461) au profit de l'étendard de saint Michel.
2 L'Année Liturgique, Dom Guéranger, 1841 à 1866, Abbaye Saint Benoît de Port-Valais


Sources


Auteur : Jean-Paul Coudeyrette
Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur.

Date de mise à jour : 12/02/2024

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