NESTORIUS
Le nestorianisme.

Consacré patriarche de Constantinople par l’empereur Théodose II en 428, Nestorius ou Nestorios (né à Antioche de Syrie vers 381) se montre d’abord d’une grande rigueur contre les ariens qu’il fait expulser de la ville et renouvelle les anathèmes contre les hérésies ariennes et pélagiennes.

Puis il adopte les principes de Théodore (350-428), évêque de Mopsueste (Cilicie), accusé de diviser le Christ en parlant de deux fils, le fils de Marie et le fils de Dieu, et de refuser de donner à Marie le titre de Mère de Dieu parce qu'elle n’est pour lui que la mère de l’homme Jésus assumé par le Verbe.
Prêchant contre le titre de Theotokos (= mère de Dieu) accordé par la dévotion chrétienne à la Vierge Marie, Nestorius ne lui reconnaît que celui de Christotokos (= mère du Christ) : « Marie est-elle une déesse ? Dieu a-t-il une mère ? La créature pourrait-elle enfanter le créateur ? »
Il insiste sur la séparation de la nature humaine et de la nature divine dans le Christ. Il considère le Christ comme deux personnes séparées : l'une divine et l'autre humaine, qui agissent en accord. Marie est mère de l'homme Jésus et non du Jésus divin.

Cyrille, patriarche d’Alexandrie, est l’adversaire le plus virulent de Nestorius.

Condamné le 11 août 430 par un synode romain présidé par le pape Célestin Ier, Nestorius refuse de se rétracter.


Nestorius 1

Le 7 juin 431, Théodose II convoque à Éphèse un concile dirigé par Cyrille et à l’issue duquel le titre de Theotokos (= mère de Dieu) est reconnu à Marie.
Le 22 juin, avant même que les évêques de Syrie n’arrivent, le concile d'Ephèse excommunie Nestorius (qui a refusé de comparaître) et condamne sa doctrine en déclarant Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme, les deux natures (l'une humaine et l'autre divine) étant réunies en une seule personne.
Théodote d’Ancyre (+ 446), théologien byzantin, écrivain et évêque d’Ancyre (aujourd’hui Ankara), est l’un des principaux défenseurs de l’orthodoxie en matière christologique au concile d’Éphèse au cours duquel il s’oppose très fermement à l’enseignement de Nestorius qu’il avait auparavant soutenu.
Nestorius est condamné pour sa théorie selon laquelle l’humanité du Christ, étant autonome, était unie à sa divinité, non de façon essentielle, mais seulement par un lien moral.
Soutenant la position orthodoxe de Cyrille d’Alexandrie, Théodote affirme l’union de la double nature du Christ dans sa personne divine. Il fait partie de la délégation envoyée par le concile auprès de Théodose II, qui manifeste des tendances hérétiques, pour lui expliquer les décrets pris à l’encontre du patriarche byzantin.
Dès leur arrivée, le 26 juin, Jean d’Antioche et les évêques syriens réunissent un contre-concile, déposent Cyrille et Memnon d’Éphèse et excommunient les autres évêques.
Le 10 juillet, quand arrivent les représentants du pape Célestin Ier, le concile se réunit de nouveau.
Les légats prennent connaissance des procès-verbaux de la séance du 22 juin et, le lendemain, 11 juillet, ils confirment, avec l’autorité du Siège apostolique, la condamnation et la déposition de Nestorius.
Le 16 et le 17 se tiennent de nouvelles séances où l’on excommunie Jean d’Antioche et ses partisans ; on condamne aussi les erreurs du pélagien Célestius.
Au début d’août, arrive à Éphèse, envoyé par Théodose, le comte Jean, porteur d’une lettre de l’empereur qui dépose Nestorius, Cyrille et Memnon, lesquels sont mis en état d’arrestation.
Cyrille fait agir les puissants protecteurs qu’il a à Constantinople et auxquels il fait envoyer de riches cadeaux et d’énormes sommes d’or ; les Antiochiens acceptent de professer l’union sans confusion des deux natures et de confesser que Marie est Theotokos (= mère de Dieu) : mais Théodose dissout le concile et renvoie les évêques chez eux.

Cyrille et Memnon restent déchus de l’épiscopat (Cyrille cependant est rentré à Alexandrie).

Nestorius, remplacé sur le siège de Constantinople par Maximien et relégué dans son monastère d’Antioche, est finalement envoyé en exil, d’abord en Arabie, puis en Egypte, dans la grande oasis d'Al-Kharga, où il meurt en 451.
Ses ouvrages sont brûlés par ordre de Théodose.
Il ne reste de lui que quelques homélies et quelques lettres.

Dans son Explication du credo de Nicée, Théodote d’Ancyre (+ v. 446) montre que les théories nestoriennes avaient déjà été condamnées par le premier concile de Nicée de 325. Il écrit un ouvrage dans lequel il réfute Nestorius, ouvrage qui sera mentionné au second concile de Nicée (787).

Le 8 août 449, un nouveau concile est réuni à Ephèse.
Dioscore fait condamner les deux natures et déposer Flavien de Constantinople et Eusèbe de Dorylée, qui avait dénoncé Eutychès.
L’intervention de la police impériale ajoute encore au trouble. Flavien est brutalisé. Envoyé en exil, il mourra en cours de route.
Sous la menace, les évêques présents souscrivent à la déposition de Flavien et d’Eusèbe.
Le 22 août, une seconde séance dépose encore Théodoret de Cyr, Ibas d’Édesse et d’autres, qui sont suspects de nestorianisme.
Le pape Léon Ier qualifiera de latrocinium (= brigandage) ce scandaleux concile.

En 451, le concile de Chalcédoine renouvelle la condamnation du nestorianisme.

Donus Ier (pape de 676 à 678) disperse les moines orientaux nestoriens installés dans un monastère syrien à Rome (Boetianum Monasterium) en les répartissant dans plusieurs maisons religieuses de la ville et place dans leur monastère des moines romains 2.

Traqués en occident, les nestoriens fuient en Perse d’où ils porteront l'Evangile jusqu'au fond de l'Asie (Inde, Mongolie, Chine) et seront peut-être à l'origine de la légende du prêtre Jean.
Découverte en février 1625, la Stèle de la propagation de la religion radieuse [la doctrine nestorienne] du Da Qin [la partie orientale de l'Empire romain] dans l'Empire du Milieu [la Chine] met en évidence une présence chrétienne très ancienne en Chine. La stèle nestorienne est une stèle, datant de l'époque Tang en Chine et érigée en 781, qui décrit les cent cinquante premières années de l'histoire du christianisme en Chine. Dès le VIIe siècle, l'Église chrétienne nestorienne était reconnue par l'empereur Tang Taizong qui régna de 626 à 649. Son missionnaire le plus significatif était le Chinois Alopen qui parlait le syriaque (venant probablement de Perse), et qui fut accepté par l'empereur en 635 dans sa capitale de Chang'an 5. Le christianisme nestorien fut proscrit en 845 ; les nestoriens chinois furent persécutés sous le règne de Tang Wuzong (840 à 846). Zan Ning (919-1002), historien chinois de la mouvance bouddhique, énonce que le christianisme a disparu de Chine en 845, en même temps que le manichéisme et le zoroastrisme.

Les nestoriens n’ont point d'images.
Ils admettent trois sacrements : le baptême, la sainte cène et l'ordination.
Ils reconnaissent dans le Christ deux natures réunies et deux personnes.

Les pratiques et les disciplines liturgiques adoptées par l’ancienne Église nestorienne de Chaldée, née du schisme de 431, se maintiennent aujourd’hui dans les communautés chaldéennes catholiques du patriarcat de Babylone (Église assyrienne) où elles portent le nom de rite syrien oriental.
Ce rite est en usage principalement en Irak, en Iran, en Syrie, au Liban, ainsi qu’en Inde, où il a été apporté dès le VIe siècle par des missionnaires nestoriens et où il est encore celui des Chrétiens de saint Thomas : les syro-malabars.

Le terme de nestorien est utilisé pour la première fois en 1445 par le pape Eugène IV pour distinguer les nestoriens de Chypre, récemment revenus à l’Église romaine, des nestoriens schismatiques, appelés depuis cette époque assyriens.

En 1551, Jean Sulaka fait acte de fidélité à Rome et est nommé, par le pape Jules III, patriarche des nestoriens catholiques. Ses successeurs prennent le nom de Simon et le titre de patriarche catholicos de Babylone pour les chaldéens.

En 1681, une partie des nestoriens du Kurdistan rentre dans l'Eglise romaine et se soumet au pape Innocent XI.

Au commencement du XIXe siècle, d’autres chaldéens, sous l'influence de missionnaires américains, passent au protestantisme.

Jean-Paul II et Mar Dinkha IV, patriarche de l’Eglise assyrienne d’Orient, signent, le 10 novembre 1994, une déclaration mettant un terme aux controverses liées à l’hérésie de Nestorius.

Citations

Pour moi, je ne saurais dire qu’un enfant de deux ou trois mois soit Dieu, ni me résoudre à adorer un enfant nourri de lait, ni à donner le nom de Dieu à celui qui s’est enfui en Égypte. (Nestorius)

La culture hellénique se répandit en Syrie avec le nestorianisme. (Ernest Renan 1823-1892)


Notes
1 http://en.academic.ru/dic.nsf/enwiki/38934
2 http://www.newadvent.org/cathen/05133a.htm


Sources


Auteur : Jean-Paul Coudeyrette
Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur.

Date de mise à jour : 11/02/2024

ACCES AU SITE